Paléoconservatisme : « Ce courant nationaliste, protectionniste et isolationniste incarné par le journaliste Pat Buchanan* [...], a été théorisé par son conseiller, Samuel T. Francis [1] ». Ce dernier préconisait de « laisser tomber les mantras sur les vertus du libre marché et l’importance de la religion » et « de combattre l’oligarchie transnationale pour rendre aux Américains moyens la place qui devait être la leur dans leur pays. Le paléo-conservatisme proposait ainsi de renouer avec certains principes de la vieille droite américaine, isolationniste jusqu’à la nomination de Dwight D. Eisenhower à l’investiture républicaine en 1952 [...], et protectionniste jusqu’à l’élection de Reagan en 1981. Suivant en partie ses conseils, Buchanan a remporté les primaires dans quatre États en 1996, sur la base d’un programme hostile à l’Accord de libre-échange nord-américain (NAFTA). Mais le message était prématuré, les conséquences de la mondialisation commençaient tout juste à se faire sentir [2]. »
Tout comme en France, les nuances qui peuvent opposer des partisans de l’impérialisme français néogaullistes ou chevènementistes à des politiciens « néolibéraux » comme Sarkozy ou Macron, les divergences entre néoconservateurs et paléoconservateurs sont minimes. Les paléoconservateurs sont en réalité des nationalistes revanchards et, par conséquent, des partisans de politiques encore plus strictes contre l’immigration.
Patriot (ou plutôt Mouvance patriote) : depuis les années 1980, ce terme désigne entre 150 et 1360 groupes nationalistes hétérogènes (le nombre varie beaucoup suivant les périodes) qui protestent contre l’intervention, voire contre l’existence même de l’État fédéral ou des États locaux, et contre la perception des impôts ; ils pensent que l’État est infiltré et manipulé par des forces occultes ; ils croient que la charia va bientôt être imposée aux États Unis ; que la FEMA (Agence nationale des situations d’urgence) va y construire des camps de concentration ; que le Mexique va récupérer une partie des États du sud des États-Unis, etc. Ils entretiennent souvent des liens avec l’extrême droite et les milices armées, et ont été inspirés par des événements comme le siège de Ruby Ridge* en 1992, celui de Waco* en 1993, l’attentat d’Oklahoma City* en 1995 et l’occupation du refuge national faunique de Malheur* dans l’Oregon en 2016, événements qui ont donné lieu à des confrontations armées entre « patriotes » et policiers. Parmi ceux qui ont influencé idéologiquement cette mouvance, on peut citer des groupes comme Posse Comitatus, le Liberty Lobby et l’organisation de Lyndon LaRouche*, mais aussi des paléo-conservateurs, des paléo-libertariens, des partisans de l’arrêt total de l’immigration ou de l’abolition de la Réserve fédérale. Ce mouvement a réussi à fédérer plus de 5 millions de personnes, entre le milieu et la fin des années 1990.
Patriot Prayer : mouvement créé par « l’ancien candidat au Sénat américain Joey Gibson*, Patriot Prayer est la force motrice de l’extrême droite dans les États de Washington et de l’Oregon depuis fin 2016. Il attire un large éventail de figures de l’extrême droite, notamment des miliciens et des nationalistes blancs (qui ont continué à se montrer aux événements même si Gibson a dénoncé la suprématie blanche lors d’un rassemblement en août 2017). L’objet de leurs rassemblements est presque toujours le même : créer des situations combustibles où la violence est probable et, une fois allumée, peut être utilisée pour alimenter le récit de la victimisation de la droite [3] ». Même s’ils ne sont pas très nombreux, leur tactique est la même que celle des fascistes italiens : se déplacer de ville en ville en affrétant des moyens de transport (ici des autocars) pour transporter leurs petites troupes, donner l’impression qu’ils sont partout, et faire le coup de poing, voire défiler armés quand la loi de l’Etat le permet.
L’objectif de ce mouvement est volontairement flou : il prétend lutter « pour la liberté au niveau local en utilisant la foi en Dieu pour nous guider dans la bonne direction » ; pour la défense du premier amendement (sur la liberté d’expression) et le deuxième amendement (sur le droit de posséder et de porter des armes) de la Constitution américaine ; « contre la corruption, l’intervention de l’État et la tyrannie » et pour « libérer les conservateurs sur la Côte Ouest » qui seraient menacés par les gauchistes et les antifas.
Paul, Ron (1935-) : gynécologue, député républicain du Texas de 1976 à 2013 presque sans discontinuer, candidat à l’élection présidentielle en 1988, 2008 et 2012. Il défend des positions économiques libertariennes (contre l’intervention de l’État) et une politique extérieure isolationniste ; il s’est opposé à l’invasion américaine en Irak et veut également se retirer de l’ONU. Soutenu par certains nationalistes blancs ainsi que certains « progressistes », il est favorable à la légalisation des drogues et au démantèlement de la Réserve fédérale.
Pearce, Douglas (1956-) : ex-membre du groupe Crisis, qui participait aux concerts antiracistes et antifascistes dans les années 1977-1980, au Royaume Uni, il est devenu un admirateur d’Ernst Roehm, le dirigeant des Sections d’assaut assassiné par les partisans de Hitler durant la Nuit des longs couteaux, le 30 juin 1934, d’où le nom de son groupe « Death in June ». Il nie évidemment ce choix tout en ayant déclaré en 1995 : « Au début des années quatre-vingt, Tony [Wakeford] et moi-même étions impliqués dans la politique de la gauche radicale et étudions l’histoire. À la recherche d’une vision politique de l’avenir, nous avons découvert le national-bolchevisme, qui est étroitement lié à la hiérarchie des SA. Des gens comme Gregor Strasser et Ernst Röhm, partisans d’une “seconde révolution”, ont attiré notre attention [4]. » Il se présente sur scène en tenue de camouflage de la SS, a enregistré le Horst Wessel Lied, chant nazi, se dit en accord avec « 90% de l’eurocentrisme racialiste », et collabore musicalement avec de nombreux groupes marqués à l’extrême droite. Mais, à part ces « détails », il n’est pas fasciste !
Pierce, William [5] (1933-2002) : docteur en physique et idéologue fasciste américain. Violemment hostile au mouvement des droits civiques, il s’engage dans plusieurs groupes néonazis. Il devient célèbre à partir de 1978 grâce à son roman les Carnets de Turner (Turner Diaries) qui raconte comment un groupe clandestin de suprémacistes blancs prend le pouvoir en s’attaquant aux Juifs et aux Afro-Américains (ces derniers se nourrissant d’enfants « blancs » qu’ils font rôtir sur des barbecues !). Ce livre est devenu la « bible » de tous les racistes, y compris d’individus qui ont tué individuellement des Juifs et des Noirs ou d’auteurs d’attentats de masse comme Timothy McVeigh*. Homme d’affaires avisé, il crée en 1974 une organisation politique (la National Alliance, qui comptait environ 1 400 membres et 17 salariés) et une « Eglise Cosmothéiste » pour éviter de payer des impôts. Il gagne ainsi beaucoup d’argent en vendant des livres, des cassettes et des colifichets néonazis. Il acquiert deux maisons de disques (Resistance Records, en faveur du « pouvoir blanc ») et Cymophane (black métal néonazi) qui lui permet d’engranger encore plus de dollars. Après sa mort, son organisation s’écroule en quelques mois suite à des conflits internes, mais ses idées continuent à être massivement diffusées.
Preston, Keith [6] : cet ex-anarchiste et ex-membre des IWW, selon ses dires, est particulièrement dangereux parce que son « anarcho-pluralisme » vise, prétend-il, à détruire l’Etat fédéral américain en unissant les néonazis, les partisans des Black Panthers, les nationaux-anarchistes, la Droite Chrétienne, les nationalistes blancs, les libertariens, la Nation de l’Islam, les Naturei Karta antisionistes, etc. Et au niveau international, il espère compter sur le soutien de l’EZLN mexicaine, des FARC colombiennes, du Sentier Lumineux péruvien, du Baas syrien, du Hamas et du Hezbollah, sans oublier la Corée du Nord et le Venezuela ! Bref, on a affaire à un rouge-brun qui tient un discours libertarien (pour les marchés naturels et pour le droit de chacun à avoir une arme), élitiste (pour la constitution d’une caste d’« individus supérieurs » qu’il appelle des... « anarques ») et populiste de gauche (pour les droits des travailleurs et des locataires, une santé bon marché, la fermeture des prisons, le soutien aux médias alternatifs, l’opposition aux expéditions militaires à l’extérieur des Etats-Unis). Si son projet, une fois l’État central abattu, est de créer des communautés décentralisées homogènes, fondées sur des affinités religieuses, raciales, ethniques, etc., peut sembler loufoque, il attire par son éclectisme radical un certain nombre de gens, de l’alt-right jusqu’à certains libertariens en passant par les suprémacistes blancs, les paléoconservateurs ou les néonazis, et pourrait servir de référence idéologique à un mouvement populiste de droite radical et de masse.
Progressives for Immigration Reform : bien que ce groupe « prétende être une organisation “progressiste” et “environnementale” », il invite à ses conférences, des individus d’extrême droite, selon la très modérée Anti Defamation League [7] qui notait en 2012 la présence de trois individus : « Roy Beck, chef du groupe anti-immigration NumbersUSA [...]. Beck est l’ancien rédacteur en chef à Washington de The Social Contract, un journal anti-immigrés publié par le raciste John Tanton*. Pendant les années où Beck a travaillé en tant que rédacteur en chef de The Social Contrat à Washington, le journal a publié les écrits de suprémacistes blancs connus [...]. Beck a également pris la parole lors de la conférence nationale de 1997 du Council of Conservative Citizens*, une organisation suprémaciste blanche » ; l’alt-right John Rohe, ami proche de Tanton, qui a travaillé à la « fondation Colcom [...] qui a versé des millions de dollars par an à des groupes anti-immigration » ; et l’alt-right « Marilyn Brant Chandler DeYoung, présidente du groupe anti-immigrés Californians for Population Stabilization (CAPS) [...]. Les CAPS auraient reçu de l’argent du Pioneer Fund, une fondation qui promeut l’étude de l’eugénisme, en 2002. ». Et le rapport de l’ADL de conclure « le véritable programme du groupe Progressives for Immigration Reform consiste à citer l’immigration comme la principale source des problèmes environnementaux aux États-Unis ».
Proud Boys : groupe paramilitaire créé en 2015 par Gavin McInnes, le cofondateur de VICE Media [8]. Ils « se décrivent comme des “chauvins occidentaux” qui nient catégoriquement tout lien avec l’“alt-right” raciste. Ils insistent sur le fait qu’ils sont simplement un groupe fraternel qui diffuse un programme “anti-politiquement correct” et “anti-culpabilité blanche” [9]. ». « Les membres des Proud Boys sont reconnaissables à leurs polos Fred Perry noirs à bordure jaune et à leur slogan ironique “Uhuru !” - un mot swahili. »
« Il existe quatre degrés d’adhésion [...]. Pour devenir membre du premier degré [...], il suffit de déclarer : “Je suis un chauvin occidental et je refuse de m’excuser d’avoir créé le monde moderne.” Pour accéder au deuxième degré, un Proud Boy doit endurer un passage à tabac jusqu’à ce qu’il puisse crier le nom de cinq céréales pour petit-déjeuner (afin de démontrer qu’il “contrôle son adrénaline”). Ceux qui entrent au troisième degré ont démontré leur engagement en se faisant faire un tatouage Proud Boys. N’importe quel homme – quelle que soit sa race ou son orientation sexuelle – peut rejoindre l’organisation fraternelle tant qu’il “reconnaît que les hommes blancs ne sont pas le problème”. Le quatrième degré est réservé à ceux qui se sont engagés dans un “combat pour la cause”. Tous les membres ont l’interdiction de regarder de la pornographie ou de se masturber plus d’une fois par mois car, en théorie, cela les rendra plus enclins à sortir et à rencontrer des femmes. Les femmes ont leur propre groupe, les Proud Boys’ Girls, qui – comme toutes les femmes aux yeux des Proud Boys – sont définies par leur relation aux hommes. Les membres du contingent des femmes, une organisation informelle, sont en grande majorité les épouses et les petites amies des Proud Boys [10]. »
Comme la plupart des fascistes du XXIe siècle, ils défendent la « liberté d’expression ». Cela ne les empêche nullement d’utiliser la violence contre des militants de gauche et antifascistes et de diffuser une progapagande antimusulmane, transphobe, misogyne, anti-immigrés et favorable au nationalisme blanc, tout en faisant semblant de prendre leurs distances avec les suprémacistes blancs les plus bourrins. Ils ont participé à au rassemblement meurtrier d’Unite the Right* à Charlottesville en août 2017 et à l’émeute contre le Capitole, à Washington, le 6 janvier 2021. Entre les deux événements, ils ont profité du fait qu’un certain nombre de groupes et d’individus de l’alt-right ayant participé à Charlottesville étaient poursuivis par la justice et adoptaient un profil bas, « pour devenir le coordinateur officiel des marches et des rassemblements d’extrême droite. Leur message pro-américain a permis aux Proud Boys de réussir là où l’alt-right avait échoué : en opérant sous la bannière de la “liberté d’expression” et en jouant sur l’idée d’une menace violente de la gauche, ils ont pu se battre dans les rues sans que les forces de l’ordre et l’opinion publique leur accordent la même attention qu’aux groupes qui présentaient leur projet politique en termes explicitement raciaux. » Après l’émeute du Capitol plusieurs militants du groupe ont été arrêtés et inculpés, et le gouvernement canadien les a désignés comme un groupe terroriste en février 2021.
PUA’S : les « artistes de la drague » (PUA) craignent que les hommes se « féminisent ». Ils tentent donc de transformer la drague et le harcèlement des femmes en activités « ludiques » à leur goût – même s’ils s’en défendent. Ce mouvement a commencé aux Etats-Unis dans les années 1980, grâce à des livres et des émissions de télé-réalité, puis des sites Internet, forums de discussion, blogs et vidéos sur YouTube. Ce secteur d’activité est très rentable puisqu’il se trouve à la croisée du « développement personnel » (la psychothérapie au rabais), des conseils en matière de forme physique, d’habillement et d’alimentation, tout cela pour « coacher » les futurs séducteurs ou dragueurs.