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Encyclopédie anarchiste
« La pensée libertaire constitue l’espoir et la chance des derniers hommes libres » Camus
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AVANT-GARDE ET MINORITE AGISSANTE.
René Berthier
Article mis en ligne le 2 février 2022
dernière modification le 5 février 2022

Dans la tradition du syndicalisme français, le culte de l’unité jouait un rôle considérable, bien que des tendances fort différentes pouvaient se heurter lors des congrès. Au-delà des options multiples qui pouvaient se manifester, l’opposition principale se trouvait entre ceux qui entendaient faire participer la classe ouvrière à l’action parlementaire et ceux qui s’y opposaient. La charte d’Amiens, en 1906, est un texte de compromis de différentes tendances unies contre le guesdisme, dans lequel chacun peut s’y retrouver, mais la notion de neutralité syndicale qui s’en dégage peut être interprétée comme une affirmation de non-intervention sur le terrain politique, ce qui convient aux partisans de l’action parlementaire, alors que pour les syndicalistes révolutionnaires et les anarcho-syndicalistes cela signifiait que le syndicalisme, sans exclure l’action politique (la politique ne se limitant pas aux élections…), ne s’engageait pas en faveur de l’action parlementaire. Pour Pouget, la CGT est « neutre du point de vue politique », mais cette neutralité affirmée « n’implique point l’abdication ou l’indifférence en face des problèmes d’or¬dre général, d’ordre social (…) La Confédération n’abdique devant aucun problème social non plus que politique (en donnant à ce mot son sens large). » (La CGT.)

Dans une organisation ayant plusieurs centaines de milliers d’adhérents, et dans laquelle se heurtaient en permanence un courant favorable à l’action parlementaire et un courant opposé, sur quoi pouvait se fonder l’« unité » ? Dans le meilleur des cas, en fonction des fluctuations de la démocratie syndicale, la direction de l’organisation pouvait avoir mandat de développer l’une des stratégies ou l’autre. Ça n’avait pas de sens.

Il était difficile d’empêcher les partisans de la stratégie électorale et ceux qui cherchaient avant tout l’entente avec les pouvoirs publics et le patronat de développer leurs thèses et leurs pratiques. Pour conserver une cohérence pratique et théorique, la scission était inévitable.

Pierre Besnard dit explicitement que l’abandon de fait de la lutte des classes dans la CGT a littéralement crée une tendance qui ne pouvait plus grouper les « travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du patronat et du salariat. Une partie d’entre eux était exclue idéologiquement, moralment ». C’est là, dit-il, la cause de la scission de 1921 qui donna naissance à la CGTU. Cette dernière ne devait pas se montrer différente : le rôle révolutionnaire du syndicalisme, son indépendance, son autonomie fonctionnelle et sa capacité d’action devaient être niés par le Parti communiste qui voulaient en faire une courroie de transmission. Dès lors, une seconde scission, « déjà en germe lors de la première, se produisit ». Ce sera la constitution, en 1926, de la CGT – syndicaliste révolutionnaire (CGT-SR).

Réapparaît ainsi la même problématique que celle qui avait divisé l’AIT : l’opposition entre ceux qui préconisaient la stratégie de conquête du pouvoir politique et ceux qui voulaient la conquête du pouvoir social. La révolution russe allait modifier largement les don¬nées du problème. De nombreux syndicalistes révolutionnaires allaient la soutenir, mais ce soutien ne peut s’expliquer que par le contexte. Le caractère particulier pris par la révolution à ses débuts, ainsi que l’éloignement, firent que beaucoup de militants étaient convaincus que les bolcheviks étaient des bakouniniens. Une certaine confusion régna quelque temps, puisque peu après l’arrestation de Monatte, le 3 mai 1920, pour complot contre la sûreté de l’Etat, la police arrêta des dirigeants d’une « Fédération des soviets » et d’un « Parti communiste », tous deux de tendance… anarchiste ! Nombre de bolcheviks eux-mêmes, après que Lénine eût imposé aux bolcheviks les thèses d’avril, qui allaient totalement à l’encontre des positions traditionnelles du parti, crurent que leur chef était devenu bakouninien. Ainsi, Goldberg, un vieil ami de Lénine, s’écria-t-il : « La place laissée vacante par le grand anarchiste Bakounine est de nouveau occupée. Ce que nous venons d’entendre constitue la négation formelle de la doctrine sociale-démocrate et de toute la théorie du marxisme scientifique. C’est l’apologie la plus évidente qu’on puisse faire de l’anarchisme. » De fait, les bolcheviks n’ont pu prendre le pouvoir que parce qu’ils avaient abandonné leurs mots d’ordre habituels et adopté le mot d’ordre éminemment anarchiste de « Tout le pouvoir aux Soviets ! »

Des syndicalistes révolutionnaires et des anarcho-syndicalistes contribueront à la formation du parti communiste en France. Certains d’entre eux le quitteront assez rapidement. Monatte, Rosmer et Delagarde seront exclus en décembre 1924. Il faut garder à l’esprit un fait qui a été peu souligné : pour beaucoup, la révolution russe était le prélude à l’extension de la révolution en Europe. Dans cette perspective, soutenir la révolution russe, quel qu’en fût le caractère, était vital. « La révolution cessera bientôt d’être russe pour devenir européenne », écrit Monatte à Trotsky le 13 mars 1920. Tom Mann, un syndicaliste révolutionnaire britannique (et fondateur en 1921 du parti communiste britannique), dira les choses clairement : « Bolchevisme, spartakisme, syndicalisme révolutionnaire, tout cela signifie la même chose sous des noms différents. » Nombre de militants syndicalistes révolutionnaires ne virent pas de différence entre les soviets et les Bourses du travail, qui de fait remplissaient le même of¬fice : rassembler les travailleurs, et par extension la population laborieuse d’une localité sur des basses interprofessionnelles.

Il y avait, outre l’anti-parlementarisme, nombre de similitudes entre les positions du syndicalisme révolutionnaire et celles des bolcheviks, qui expliquent l’adhésion de certains militants au communisme. Ces similitudes seront surtout soulignées par les bolcheviks eux-mêmes, sou¬cieux d’attirer à eux les militants ouvriers les plus actifs. Charbit, Hasfeld, Martinet, Monatte, Monmousseau, Rosmer, Sémard et d’autres en firent partie. Dire, avec Brupbacher, que le syndicalisme révolutionnaire accomplit son suicide est exagéré. Si ces militants ont manqué de discernement, c’est là une chose qu’on peut difficile¬ment leur reprocher. Il reste que ce manque de discernement n’était pas une fatalité : Gaston Leval se rend à Moscou en 1921 comme délégué adjoint de la CNT espa¬gnole pour prendre part au congrès constitutif de l’Internationale des syndicats rouges. Ce qu’il voit en Russie – il est vrai qu’il ne s’est pas contenté de suivre les parcours fléchés officiels – le persuade que la révolution se dévoie vers une dictature de parti. Le rapport qu’il fera au congrès de Saragosse en 1922 persuadera la CNT de ne pas adhérer à l’Internationale syndicale rouge, ce qui évitera à celle-ci le processus de « bolchevisation » subi par d’autres centrales syndicales européennes. En 1922 se constituera, en concurrence de l’Internatio¬nale syndicale rouge, l’AIT seconde manière.

On peut dire que c’est l’accélération de l’histoire qui a imposé aux différents courants présents dans le mouvement ouvrier de se démarquer clairement. Si on peut re¬gretter que l’anarcho-syndicalisme et le syndicalisme révolutionnaire n’aient pas conservé leur position dominante en France, sur le plan international la situation était très encourageante : l’AIT (seconde manière) avait des sections dans 24 pays et regroupait plusieurs millions de travailleurs .

Le rapprochement entre le concept de minorité agis¬ sante et celui d’avant-garde a été largement fait par les lé¬ninistes soucieux de rapprocher les deux mouvements. Rappelons quelques idées développées par Pouget sur la question des minorités agissantes.

Pour contrebalancer la force de la classe possé¬dante il faut une autre force : « cette force, il appartient aux travailleurs conscients de la matérialiser ; (…) cette nécessaire besogne de cohésion révolutionnaire se réalise au sein de l’organisation syndicale : là, se constitue et se développe une minorité grandissante qui vise à acquérir assez de puissance pour contrebalancer d’abord et annihi¬ler ensuite les forces d’exploitation et d’oppression. » (Pouget, L’Action directe)

Ceux qui restent en dehors de l’organisation syndicale, qui refusent de lutter sont des « zéros humains », des « êtres inertes dont les forces latentes n’entrent en branle que sous le choc que leur imposent les énergiques et les audacieux ». (Les Bases du syndicalisme.) On constate une absence totale de complaisance à l’égard des travailleurs non-organisés : « Les majorités sont moutonnières et inconscientes. Elles acceptent les faits établis et subissent les pires avanies. S’il leur arrive d’avoir quelques instants de lucidité, c’est sous l’impulsion des minorités révolutionnaires et encore il n’est pas rare qu’après avoir fait un pas en avant, elles laissent passivement renaître le vieux régime et les institutions renversées. » (Grève générale réformiste et grève générale révolutionnaire.)

« Tout le problème révolutionnaire consiste en ceci : constituer une minorité assez forte pour culbuter la minorité dirigeante » (…) « Qui donc fait la propagande, qui donc dresse les programmes de revendications ? Des minorités ! Rien que des minorités ! » (Père peinard, 12/01/1890)

Mais ces minorités devront être les plus nombreuses possible, « car si nous sommes convaincus que la révolution sera l’œuvre d’une minorité, encore sommes-nous désireux que cette minorité soit la plus nombreuse possible, afin que soient plus grandes les chances de succès. »

Il est clair que, aux yeux des syndicalistes révolutionnaires, des différences de niveau de conscience existent dans la classe ouvrière. Les militants ne s’attendent pas à ce que tous adhèrent à l’idée de révolution prolétarienne, mais ils pensent que la minorité agissante peut créer, lorsque le moment est venu, un phénomène d’entraînement et amener la grande masse du prolétariat à bouger. Bakounine pensait que « dans les moments de grande crises politiques ou économiques (…), dix, vingt ou trente hommes bien entendus et bien organisés entre eux, et qui savent où ils vont et ce qu’ils veulent, en entraîneront facilement cent, deux cents, trois cents ou même davantage ». Mais, précise-t-il, « pour que la dixième partie du prolétariat (…) puisse entraîner les neuf autres dixièmes », il faut que chaque membre soit organisé, conscient du but à atteindre, qu’il connaisse les principes de l’Internationale et les moyens de les réaliser. Il n’est pas question, là, de spontanéité… « Ce n’est qu’à cette condition que dans les temps de paix et de calme il pourra remplir efficacement la mission de propagandiste (…), et dans les temps de lutte celle d’un chef révolutionnaire. » (« Protestation de l’Alliance ».) Le rôle de la minorité agissante avait parfaitement été défini par Bakounine.

L’existence d’une minorité active, capable de catalyser l’action des masses, dépendait cependant, dans la CGT du début du siècle, d’un certain nombre de conditions institutionnelles à propos desquelles réformistes et révolutionnaires s’opposèrent. Il s’agit du problème très concret et significatif de la représentation proportionnelle. Les anarcho-syndicalistes sont favorables à l’égalité des voix par syndicat, quel que soit leur nombre. L’application du principe de la représentation proportionnelle, qui établit l’hégémonie de quelques gros syndicats, condamne en fait la minorité révolutionnaire.

« L’approbation de la représentation proportionnelle eût impliqué la négation de toute l’œuvre syndicale qui est la résultante de l’action révolutionnaire des minorités. Or, si l’on admet que la majorité fasse foi, à quel point s’arrêtera-t-on ? Sur cette pente savonneuse on risque d’être entraîné loin. Ne se peut-il que, sous prétexte de proportionnalité, une majorité d’inconscients dénie le droit de grève à une minorité de militants conscients ? Et en vertu de quel critérium s’opposera-t-on à cette masse seule si, soi-même, on a énervé l’action efficace des minorités en les étouffant sous la proportionnalité ? » (Déclaration de Pouget au congrès de Montpellier, septembre 1902.)

Le principe démocratique n’est ainsi pas du tout revendiqué. Là encore, il s’agit de l’introduction, dans les pratiques syndicales, d’un élément original de droit. Le principe démocratique implique que chaque individu représente une voix, et que la majorité des voix emporte la décision, c’est-à-dire que 50,5 % peuvent avoir raison sur 49,5 %. Le rejet de ce principe démocratique vient pour une part du mouvement anarchiste, pour lequel les décisions doivent être prises avec un consensus le plus large possible. Mais il y a autre chose. Il s’agit d’une conception différente de la légitimité. L’unité de base n’est pas l’individu mais l’individu organisé. Son organisation est le syndicat. C’est celui-ci qui est l’unité de base. A l’intérieur du syndicat, un adhérent en vaut un autre. C’est une logique difficile à comprendre car elle tranche singulièrement avec nos conditionnements à la démocratie formelle.

L’idée démocratique est donc étrangère au syndicalisme. D’ailleurs, seule une minorité de travailleurs est syndiquée, aussi « le non-vouloir de la majorité inconsciente et non syndiquée paralyse¬ rait toute action ». La minorité doit donc « agir sans tenir compte de la masse réfractaire ». D’ailleurs, fait remarquer Pouget, la majorité est mal venue de récriminer, puisque « l’ensemble des travailleurs, intéressés à l’action, quoique n’y participant en rien, est appelé à bénéficier des résultats acquis » … Aussi, n’est-il « pas tenu compte de la masse qui refuse de vou¬ loir et seuls les conscients sont appelés à décider et à agir » (Le Mouvement socialiste, janvier 1907).

« Au creuset de la lutte économique se réalise la fusion des éléments politiques et il s’obtient une unité vivante qui érige le syndicalisme en puissance de co¬ ordination révolutionnaire. » (Le Mouvement socialiste, janvier 1907.)

On comprend dès lors que les léninistes aient tenté de rallier à leur cause les syndicalistes révolutionnaires, bien que pour les premiers l’avant-garde était constituée de révolutionnaires professionnels, la plupart du temps non ouvriers, alors que pour les seconds la minorité agissante baignait dans la classe ouvrière dont elle faisait partie.

Trotsky ne s’y est pas trompé. Il avait compris que le contrôle du mouvement syndical était une étape décisive pour avoir une influence sur le mouvement ouvrier. Si le syndicalisme révolutionnaire avait raison de lutter pour l’autonomie syndicale face au gouvernement bourgeois et aux socialistes parlementaires, il ne « fétichisait pas l’autonomie des organisations de masse. Au contraire, il comprenait et préconisait le rôle dirigeant de la minorité révolutionnaire dans les organisations de masse, qui réfléchissent en leur sein toute la classe ouvrière, avec toutes ses contradictions, son caractère arriéré, et ses faiblesses. » En somme, l’autonomie n’a plus lieu d’être mainte¬ nant qu’il y a un vrai parti révolutionnaire. Et Trotski ajoute :

« La théorie de la minorité active était, par essence, une théorie incomplète du parti prolétarien. Dans toute sa pratique, le syndicalisme révolutionnaire était un embryon de parti révolutionnaire ; de même, dans sa lutte contre l’opportunisme, le syndicalisme révolutionnaire fut une remarquable esquisse du communisme révolutionnaire.

« Les faiblesses de l’anarcho-syndicalisme, même dans sa période classique, étaient l’absence d’un fondement théorique correct, et comme résultat, une incompréhension de la nature de l’Etat et de son rôle dans la lutte de classe. Faiblesse aussi, cette conception incomplète, in¬ suffisamment développée, et par conséquent fausse, de la minorité révolutionnaire, c’est-à-dire du parti. D’où les fautes de tactique, comme la fétichisation de la grève générale, l’ignorance de la relation nécessaire entre le soulèvement et la prise du pouvoir.

« Après la guerre, le syndicalisme français trouva dans le communisme à la fois sa réfutation, son dépassement et son achèvement ; tenter de faire revivre aujourd’hui le syndicalisme révolutionnaire serait tourner le dos à l’histoire. Pour le mouvement ouvrier, une telle tentative ne pourrait avoir qu’un sens réactionnaire. »

L’idée que les syndicats se suffisent à eux-mêmes signifie « la dissolution de l’avant-garde révolution¬naire dans la masse arriérée que sont les syndicats ». La position que développe Trotsky dans un texte de 1929 reflète parfaitement le point de vue du bolchevisme dès la révolution russe, bien que se surajoute alors l’in¬ fluence stalinienne dans le mouvement ouvrier. A ce titre, Trotsky est bien l’héritier de Lénine.

Les critiques formulées contre le syndicalisme révolutionnaire avaient déjà suscité des réactions, mais pas dans le sens souhaité par Trotsky. Après l’assassinat de syndicalistes par des communistes, à la Maison des syndicats à Paris, le 11 janvier 1924, des anarcho-syndicalistes et des syndicalistes révolutionnaires s’engagèrent dans la formation d’une nouvelle centrale syndicale, la CGT-SR. Les unions départementales de la Somme, de la Gironde, de l’Yonne, du Rhône, la fédération du bâtiment, se groupè¬rent dans une Union fédérative des syndicats autonomes de France, puis se confédérèrent les 1er et 2 novembre 1926 à Lyon.

La nouvelle organisation conteste l’idée de neutralité syndicale telle qu’elle est affirmée dans la charte d’Amiens, notamment le paragraphe où « le congrès affirme l’entière liberté pour le syndiqué de participer, en dehors du groupement corporatif, à telles formes de lutte correspondant à sa conception philosophique ou politique, se bornant à lui demander en réciprocité de ne pas introduire dans le syndicat les opinions qu’il professe au dehors. »

Les documents de constitution de la CGT-SR offrent une véritable réflexion sur le contexte de l’époque, notamment sur la crise mondiale qui se prépare, sur la montée du fascisme, et formulent un véritable programme politique.

Une tactique révolutionnaire est esquissée con¬cernant les rapports avec les autres forces révolutionnaires, à la fois dans l’action revendicative quotidienne et en cas de révolution. Un programme revendicatif est proposé, qui s’inscrit à la fois dans le cadre de revendications quotidiennes tout en présentant un caractère de préparation à la transformation sociale. On retrouvera, curieusement, les principaux thèmes, réadaptés évidemment, de ce pro¬gramme revendicatif dans… le programme de transition de Trotsky, dix ans plus tard !

Sur cette période, A. Schapiro écrivit en 1937 :

« La grande guerre balaya la charte du neutralisme syndical. Et la scission au sein de la Première Internationale entre Marx et Bakounine eut un écho – à la distance de presque un demi-siècle – dans la scission historiquement inévitable au sein du mouvement ouvrier international d’après-guerre. Contre la politique de l’asservissement du mouve¬ment ouvrier aux exigences de partis politiques dénommés “ouvriers », un nouveau mouvement, basé sur l’action directe des masses en dehors et contre tous les partis politiques, surgissait des cendres encore fu¬mantes de la guerre 1917-1918. L’anarchosyndicalisme réalisait la seule conjonction de forces et d’éléments capables de garantir à la classe ouvrière et paysanne sa complète indépendance et son droit inéluctable à l’initiative révolutionnaire dans toutes les manifestations d’une lutte sans merci contre le capitalisme et contre l’Etat, et d’une réédification, sur les ruines des régimes déchus, d’une vie sociale libertaire. »

La constitution de la CGT-SR n’aboutit évidemment pas à une percée spectaculaire dans la lutte des classes de l’époque. Ce fut une petite organisation constituée trop tardivement alors que le mythe de la révolution russe commençait à se constituer. On ne peut guère reprocher à quelques militants lucides de ne pas avoir réussi à persuader les masses à nager contre le courant. Il faut aussi garder à l’esprit que nous entrons à cette époque dans la période de montée du fascisme : en 1926 il est au pouvoir en Italie et au Portugal, il le sera quelques années plus tard en Allemagne. Dans ces trois pays existaient des mouvements anarcho-syndicalistes importants qui seront balayés, avec le reste du mouvement ouvrier.